La visite officielle du Premier ministre sénégalais, Ousmane Sonko, en Côte d’Ivoire, du 29 au 31 mai 2025, a marqué une étape significative de sa tournée ouest-africaine. Cette démarche s’inscrit dans la nouvelle orientation diplomatique du Sénégal, sous la direction du président Bassirou Diomaye Faye et du Premier ministre Ousmane Sonko, visant à affirmer la souveraineté et le panafricanisme du pays. L’objectif principal de cette tournée est de « pacifier » la sous-région et de renforcer la coopération bilatérale avec les nations voisines.
Le Sénégal a initié une réorientation de sa politique étrangère, cherchant à renforcer les liens avec les pays de la sous-région et à jouer un rôle actif dans la résolution des tensions régionales. La Côte d’Ivoire, en tant qu’acteur économique majeur de la CEDEAO, entretient des relations complexes avec les pays de l’Alliance des États du Sahel (AES) – le Burkina Faso, le Mali et le Niger – qui se sont retirés de la CEDEAO. Dans ce contexte de fragmentation régionale, la visite de Sonko à Abidjan revêt une importance stratégique pour Dakar, qui aspire à maintenir un dialogue ouvert avec toutes les parties et à promouvoir la « pacification » de la sous-région. La Radio France Internationale (RFI) a d’ailleurs suggéré qu’Ousmane Sonko « peut jouer un rôle clé entre la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso », soulignant le potentiel de médiation du Sénégal.
Accueilli en citoyen d’honneur à Bouaké, Ousmane Sonko a eu des entretiens de haut niveau avec son homologue ivoirien, Robert Beugré Mambé, ainsi qu’avec le président Alassane Ouattara. Les discussions ont visé à « revitaliser la collaboration bilatérale » dans des domaines variés comme la coopération économique, la sécurité régionale et l’intégration. Le Premier ministre sénégalais a souligné la nécessité pour l’Afrique de l’Ouest d’avancer de concert, déclarant : « Je ne connais aucune région au monde où un pays s’est développé en laissant son voisin dans la pauvreté. L’Afrique de l’Ouest doit avancer ensemble ».
Cette nouvelle diplomatie est fortement imprégnée d’une vision panafricaniste de développement et de souveraineté partagée. Sonko a insisté sur l’importance de la « souveraineté alimentaire » et du « développement des ressources naturelles » comme piliers de cette vision. Sur le plan économique, il a qualifié le niveau actuel des échanges commerciaux entre les deux pays de « relativement bas » – 107 milliards de FCFA du Sénégal vers la Côte d’Ivoire et 52 milliards de FCFA de la Côte d’Ivoire vers le Sénégal – et a appelé à le « renverser ». La relance des travaux de la Commission Mixte a été convenue pour assurer un suivi efficace. Les défis sécuritaires, tels que le terrorisme, la piraterie, la cybercriminalité et les trafics illicites, ont également été au centre des discussions, avec un appel à une « collaboration renforcée » pour y faire face.
En dépit de certaines controverses, notamment sa rencontre avec l’ancien président Laurent Gbagbo qui a suscité des réactions contrastées au Sénégal et en Côte d’Ivoire, la démarche du Premier ministre s’inscrit clairement dans une vision souverainiste et panafricaniste. La visite d’Ousmane Sonko en Côte d’Ivoire a ainsi démontré la volonté du Sénégal de s’engager activement dans la diplomatie régionale, visant à se positionner comme un acteur clé dans la « pacification » de la sous-région et la médiation entre les blocs régionaux. Le succès de cette nouvelle politique étrangère et la stabilité future de l’Afrique de l’Ouest dépendront de la capacité du Sénégal à naviguer entre les diverses dynamiques régionales et à maintenir sa crédibilité auprès de tous les acteurs.