La récente tournée ouest-africaine du Premier ministre sénégalais, Ousmane Sonko, visant à « pacifier » la sous-région et à renforcer la coopération bilatérale, a été marquée par un événement qui a polarisé les opinions tant à Dakar qu’à Abidjan : sa rencontre avec l’ancien président ivoirien, Laurent Gbagbo. Cet épisode, survenu le 31 mai 2025, a soulevé des questions sur la nouvelle dynamique diplomatique du Sénégal et sur la perception des rôles et des protocoles dans les relations internationales.

La rencontre entre Ousmane Sonko et Laurent Gbagbo, un événement notable de la visite, a immédiatement généré des interprétations divergentes. Alors que certains rapports indiquaient que cette rencontre avait eu l’accord du président ivoirien Alassane Ouattara, d’autres faisaient état d’une « grosse colère » de ce dernier. Ces informations contradictoires ont alimenté le débat public et médiatique dans les deux capitales.

Au Sénégal, les réactions ont été particulièrement mitigées. Tandis que certains observateurs saluaient la « diplomatie de haute facture » du Premier ministre, d’autres ont exprimé de vives critiques. Cette rencontre a été qualifiée de « grosse erreur et une bourde diplomatique » et jugée « inopportune » compte tenu du contexte politique ivoirien. Des voix se sont également élevées pour s’interroger sur le rôle du Premier ministre dans la conduite des affaires étrangères, se demandant si cela n’empiétait pas sur les prérogatives du ministère des Affaires étrangères sénégalais. La controverse a fait l’objet de « polémiques qui agitent certaines rédactions à Dakar ».

Du côté ivoirien, la perception de cette rencontre a été contrastée. Pour certains, elle a été considérée comme un « acte diplomatique ordinaire », révélateur de liens régionaux solides. Cependant, des rapports ont persisté, faisant état d’un « mécontentement du président Ouattara » concernant cette rencontre, notamment parce qu’elle n’aurait pas été informée au ministère des Affaires étrangères ivoirien. Malgré cette discorde, les médias ivoiriens ont largement couvert la visite comme une opportunité de renforcer les liens sénégalo-ivoiriens.

Cette controverse éclaire la complexité de la nouvelle approche diplomatique régionale du Sénégal, sous la direction du président Bassirou Diomaye Faye et du Premier ministre Ousmane Sonko. Cette diplomatie se veut plus affirmée en termes de souveraineté et de panafricanisme, cherchant à renforcer les liens avec les pays de la sous-région et à jouer un rôle actif dans la résolution des tensions régionales. Le Sénégal aspire à se positionner comme un acteur clé dans la « pacification » de la sous-région, et la Radio France Internationale (RFI) a d’ailleurs suggéré qu’Ousmane Sonko « peut jouer un rôle clé entre la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso ».

En dépit des différentes interprétations et des controverses suscitées, la rencontre Sonko-Gbagbo souligne la volonté du Sénégal de s’engager activement dans la diplomatie régionale. La capacité du Sénégal à naviguer entre les diverses dynamiques régionales et à maintenir sa crédibilité auprès de tous les acteurs sera cruciale pour le succès de sa nouvelle politique étrangère et pour la stabilité future de l’Afrique de l’Ouest. L’épisode Gbagbo illustre les défis inhérents à une diplomatie audacieuse, qui peut parfois dérouter les partenaires et l’opinion publique.