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L’actualité sénégalaise est dominée par une affaire qui ébranle les fondements de la gouvernance et de la transparence financière : la révélation d’une dette cachée colossale laissée par l’administration de l’ancien président Macky Sall. Cette découverte, confirmée par des institutions de renom, soulève de sérieuses questions sur la gestion des finances publiques et ses conséquences pour l’avenir du pays.


 

Des Chiffres Vertigineux mis en Lumière

 

C’est en mars 2025 que le Fonds Monétaire International (FMI) a officiellement confirmé l’existence de cette dette non déclarée, suite aux audits approfondis commandités par la nouvelle équipe au pouvoir, menée par le Président Bassirou Diomaye Faye et le Premier Ministre Ousmane Sonko. Le rapport de la Cour des Comptes, publié un mois plus tôt, en février 2025, a été l’élément déclencheur de ces révélations.

Les montants sont alarmants : la dette dissimulée est estimée à près de 7 milliards de dollars américains, soit environ 4 250 milliards de Francs CFA. Accumulée entre 2019 et 2024, elle a fait exploser le véritable endettement du Sénégal. Alors que l’ancienne administration affichait un ratio dette/PIB de 74,41%, les nouvelles estimations le propulsent aux alentours de 99,67%, voire 105% selon certaines analyses au 31 décembre 2023. Le déficit budgétaire pour 2023, annoncé à 4,9%, a également été recalculé à 12,3%.


 

Des Mécanismes de Dissimulation Complexes

 

Le rapport de la Cour des Comptes a mis en lumière des pratiques financières opaques, allant bien au-delà de simples irrégularités. Parmi les mécanismes de dissimulation les plus frappants, on note :

  • Des dettes bancaires contractées hors du circuit budgétaire officiel et délibérément non enregistrées dans les comptes de l’État.

  • Des surfinancements de grands projets d’infrastructure et des dépenses engagées sans l’approbation parlementaire requise.

  • Des irrégularités flagrantes dans la gestion des dépôts bancaires et des emprunts étatiques.

  • Des cas de substitution de débiteur et l’engagement de dépenses sans couverture budgétaire via des comptes non réglementaires, comme le tristement célèbre compte CAP Gouvernement.

  • Le non-versement au Trésor Public de reliquats d’emprunts obligataires, notamment ceux liés aux Sukuk de SOGEPA.

Ces anomalies impliquent diverses entités et projets, parmi lesquels DP World, Air Sénégal, plusieurs banques comme IB Bank T, IB Bank B, BDEV, DOAG, BIS, ainsi que de nombreux départements et agences gouvernementales. Bien que le rapport n’incrimine pas directement des individus, il met en évidence des défaillances systémiques et un manque criant de transparence au sein de l’administration sortante.


 

Des Conséquences Économiques et Sociales Lourdement Ressenties

 

L’impact de cette dette cachée sur l’économie sénégalaise est déjà concret et préoccupant :

  • Suspension de l’aide du FMI : Le FMI a gelé son programme de prêt de 1,8 milliard de dollars, exigeant une clarification totale de la situation et la mise en œuvre de réformes concrètes avant toute reprise de l’aide.

  • Accès limité aux marchés financiers : La crédibilité financière du Sénégal est sérieusement entamée, rendant l’accès aux emprunts internationaux plus difficile et plus coûteux.

  • Dégradation de la note souveraine : L’agence de notation Moody’s a déjà abaissé la note du Sénégal à B3 avec une perspective négative, soulignant les risques accrus liés à ce niveau d’endettement.

  • Risque de défaut de paiement accru : Le pays se trouve face à une menace grandissante quant à sa capacité à honorer ses engagements financiers.

  • Pression sur le budget national : Le service de cette dette pèsera lourdement sur les finances publiques, potentiellement au détriment des investissements essentiels dans les secteurs sociaux comme la santé, l’éducation ou les infrastructures.

Sur le plan social, bien que les protestations de grande ampleur n’aient pas encore éclaté directement liées à cette affaire, l’opinion publique est vivement préoccupée. Des organisations comme le CADTM Afrique (Comité pour l’Abolition des Dettes Illégitimes) exigent un audit exhaustif et l’annulation de toute dette jugée illégitime. La population, déjà confrontée à un quotidien difficile, aspire à la transparence, à la reddition des comptes et à des mesures concrètes pour assainir la gestion des fonds publics.


 

Une Nouvelle Ère de Transparence ?

 

Le gouvernement actuel a exprimé sa ferme intention de restaurer la transparence et la responsabilité. Des réformes structurelles sont annoncées, visant à renforcer les mécanismes de contrôle et d’audit, et à établir un cadre juridique rigoureux pour la gestion de la dette publique. Le ministre des Finances espère parvenir rapidement à un nouvel accord avec le FMI.

Le Sénégal n’est pas le seul pays à avoir connu un scandale de dette cachée. Des exemples comme le Mozambique (avec les « Tuna Bonds » en 2016) ou la Zambie (avec des dettes dissimulées à des créanciers chinois et des contrats énergétiques opaques) rappellent l’importance cruciale d’une gouvernance financière irréprochable pour la stabilité et le développement d’une nation.

La gestion de cette dette cachée est un défi majeur pour la nouvelle administration sénégalaise. Sa capacité à démêler cet écheveau financier et à mettre en place des réformes durables déterminera non seulement la crédibilité du Sénégal sur la scène internationale, mais aussi la confiance de ses propres citoyens dans l’avenir économique de leur pays.