Dakar, Sénégal – L’espace médiatique et politique sénégalais est en ébullition suite à une confrontation houleuse impliquant le chroniqueur Badara Gadiaga de TFM, le député Amadou Ba du parti Pastef, et la réaction vigoureuse du journaliste Madiambal Diagne. Cette affaire, qui a éclaté autour du 4 et 5 juillet 2025, met en lumière les tensions croissantes entre le nouveau pouvoir en place et certains acteurs de la presse, soulevant des questions cruciales sur la liberté d’expression et la régulation des médias.
Le Déclenchement : Accusations, Insultes et « Faux Diplôme »
Tout a commencé lors de l’émission « Jakaarlo bi » sur TFM, où le débat a viré à l’affrontement personnel. Le député Amadou Ba, représentant du parti Pastef désormais au pouvoir, a lancé de vives attaques contre Badara Gadiaga, l’accusant notamment d’être un « faussaire de BFEM » et lui intimant de « se taire à jamais ». En réponse, Badara Gadiaga a fustigé Pastef, affirmant que le parti était « mal placé pour donner des leçons de morale », faisant référence à leur passé et à des accusations d’insultes envers des institutions et des personnalités.
Cette passe d’armes en direct a immédiatement embrasé les réseaux sociaux et l’opinion publique, ravivant les débats sur le rôle des chroniqueurs politiques et les limites de la liberté de ton à la télévision.
L’Intervention du CNRA et la Colère des Pastefiens
Face à l’ampleur de la polémique et ce qu’il a qualifié de « dérives », le Conseil National de Régulation de l’Audiovisuel (CNRA) n’a pas tardé à réagir. Dès le 7 juillet 2025, l’instance a adressé une « mise en demeure » formelle à TFM, la chaîne du Groupe Futurs Médias de Youssou Ndour. Le CNRA a clairement averti TFM de potentielles sanctions, allant de la suspension de l’émission « Jakaarlo bi » à celle de l’ensemble de ses programmes, en cas de récidive. Cette décision marque une volonté affirmée des autorités de réguler plus strictement le contenu audiovisuel.
Parallèlement, des figures proches de Pastef, telles que Waly Diouf Bodian, Nitt Doff et Mame Bousso Béye, ont publiquement exigé l’« auto-saisine du Procureur » concernant les propos tenus par Badara Gadiaga, notamment l’accusation de « faux BFEM » et les présumées insultes. Si une plainte pour « faux, usage de faux et escroquerie au service » a bien été déposée contre Badara Gadiaga par Justin Corréa, Directeur Général du CICES, la confirmation d’une auto-saisine du Procureur spécifiquement pour les incidents télévisuels n’a pas été officiellement communiquée à ce jour. L’implication du CORED (Conseil pour l’Observation des Règles d’Éthique et de Déontologie dans les médias), bien que citée par certains, n’a pas donné lieu à des actions publiques avérées dans cette affaire.
La Riposte de Madiambal Diagne et le Spectre d’un « Lynchage »
Dans ce climat tendu, le journaliste et administrateur général du Groupe Avenir Communication, Madiambal Diagne, a pris la défense de Badara Gadiaga avec virulence. Qualifiant les attaques contre son confrère de « lynchage hypocrite », Madiambal Diagne a apporté un soutien inconditionnel à Gadiaga, critiquant ouvertement l’attitude du parti Pastef et ses partisans. Il a rappelé le passé du parti et de ses leaders, suggérant une dissonance entre leurs discours actuels et leurs propres comportements passés en matière de respect des institutions et des individus. Cette prise de position de Madiambal Diagne a contribué à polariser davantage le débat médiatique, opposant ceux qui défendent la liberté de parole des chroniqueurs et ceux qui appellent à une plus grande responsabilité et éthique journalistique.
Un Contexte Politique et Médiatique sous Haute Tension
L’affaire Gadiaga-Amadou Ba n’est pas un cas isolé. Elle s’inscrit dans un contexte sénégalais marqué par de fortes tensions politiques, notamment entre le pouvoir en place et l’opposition, mais aussi par une relation parfois conflictuelle entre la classe politique et les médias. Les accusations de « faux diplôme » et les appels à des sanctions judiciaires contre des figures médiatiques rappellent les enjeux de crédibilité et d’influence.
Cette situation met également sous pression les groupes médiatiques comme TFM, qui naviguent dans un environnement où la moindre « dérive » peut entraîner des rappels à l’ordre réglementaires ou des actions en justice. L’affaire soulève des questions fondamentales sur les limites de l’intervention de l’État dans le contenu des médias, la protection des journalistes face aux pressions politiques, et la nécessité pour les professionnels de l’information de maintenir des standards éthiques élevés.
L’évolution de cette affaire, et notamment les suites judiciaires potentielles ainsi que la position de TFM face aux exigences du CNRA, seront des indicateurs clés de la santé de la liberté de la presse et du dialogue démocratique au Sénégal.