Bassirou Diomaye Faye : L’Ascension Inattendue et les Défis du Sénégal Nouveau
1. Introduction : L’Émergence d’un Président Inattendu
L’élection présidentielle sénégalaise de 2024 a été marquée par un événement politique d’une rare
intensité : l’ascension fulgurante de Bassirou Diomaye Faye, passé des geôles à la présidence en
quelques jours seulement. À 44 ans, il est devenu le plus jeune président élu de l’histoire du Sénégal,
une victoire qui a surpris de nombreux observateurs et a été perçue comme un tournant majeur pour
la démocratie sénégalaise.
1
Sa libération de prison, intervenue seulement dix jours avant le scrutin, a
ajouté une dimension dramatique à son parcours.
Au cœur de cette trajectoire singulière se trouve le phénomène « Diomaye mooy Sonko », une
expression wolof signifiant « Diomaye est Sonko ». Cette formule a encapsulé la relation étroite entre
Bassirou Diomaye Faye et Ousmane Sonko, figure charismatique de l’opposition dont l’inéligibilité a
ouvert la voie à la candidature de Faye. En se présentant sous ce slogan, Faye a efficacement
capitalisé sur la popularité de Sonko, notamment auprès de la jeunesse sénégalaise.4 Cette stratégie a
permis de transférer le capital politique et l’attrait populaire de Sonko à Faye, soulignant une
profonde convergence idéologique et une vision partagée au sein du mouvement PASTEF.
La victoire de Bassirou Diomaye Faye a été accueillie avec un mélange d’enthousiasme national et
d’attention internationale. Elle a été largement interprétée comme un triomphe de la démocratie
sénégalaise et une bouffée d’air frais en Afrique de l’Ouest, une région souvent confrontée à
l’instabilité politique.3
L’élection de Faye, en particulier son passage de la détention à la plus haute
fonction de l’État, dépasse le simple événement politique pour devenir un symbole puissant. Elle
illustre la résilience des institutions démocratiques sénégalaises face aux tentatives de report du
scrutin et aux tensions politiques.3 Cette trajectoire inattendue, de l’incarcération à la présidence, a
profondément résonné auprès d’une population aspirant au changement et à la justice, renforçant
ainsi la légitimité perçue de son mandat. Elle établit également un précédent pour l’ascension
politique en dehors des voies traditionnelles, offrant un contraste frappant avec les coups d’État
constitutionnels observés dans d’autres pays de la région.7
2. De l’Inspecteur au Chef d’État : Genèse d’un Parcours Politique
Le parcours de Bassirou Diomaye Faye est celui d’un technocrate et syndicaliste devenu homme
d’État. Né le 25 mars 1980 à Ndiaganiao, dans le département de M’bour, il a suivi un cursus
académique solide, étudiant le droit à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar avant d’intégrer l’École
nationale d’administration (ENA) du Sénégal pour devenir inspecteur des finances.1 Au-delà de ses
occupations professionnelles, il cultivait des intérêts personnels pour la poésie, l’agriculture et
l’élevage, s’occupant notamment de ses champs de papayers dans son village natal pendant ses
loisirs.2
Sur le plan personnel, il est le premier président polygame du Sénégal, marié à Marie Khone
Faye et Absa Faye, et père de cinq enfants.5
Sa carrière professionnelle l’a vu évoluer en tant qu’inspecteur des finances publiques et militant
syndicaliste. Il a notamment occupé le poste de secrétaire général du syndicat des Impôts et des
Domaines, où il a mené des campagnes significatives, comme celle visant à faciliter l’accession à la
propriété pour les agents fiscaux.2
Son entrée en politique s’est faite dès la création du parti Patriotes africains du Sénégal pour le
travail, l’éthique et la fraternité (PASTEF) en 2014.2 Rapidement, il est devenu une figure centrale du
parti, non seulement en tant que dirigeant, mais aussi comme l’un des principaux idéologues et
architectes du programme d’Ousmane Sonko pour l’élection présidentielle de 2019.5
Son influence a
continué de croître, et en octobre 2022, il a été nommé secrétaire général, assumant la gestion des
cadres du parti.1
Le parcours de Bassirou Diomaye Faye, en tant qu’inspecteur des finances et syndicaliste, lui confère
une légitimité particulière. Il n’est pas un politicien de carrière au sens traditionnel, mais plutôt un
« insider-outsider » : quelqu’un qui maîtrise les rouages de l’État (fiscalité, finances, économie) tout en
étant profondément enraciné dans l’activisme citoyen et les revendications populaires, notamment la
lutte contre la corruption et pour la justice sociale.2 Cette double identité a sans doute renforcé son
attrait auprès de l’électorat, le positionnant comme un agent crédible de « changement systémique ».
Son passé de syndicaliste, en particulier son engagement pour l’accès à la propriété des agents
fiscaux, préfigure son programme ultérieur axé sur la lutte anti-corruption et la justice sociale,
démontrant une cohérence idéologique.5
Le tableau ci-dessous récapitule les étapes clés de son parcours :
Année /
Période Événement / Rôle Signification
1980 Naissance à Ndiaganiao Point de départ de sa biographie.
2000
Diplômé du Lycée Demba Diop à
Mbour Formation initiale.
Non
spécifié
Études de droit à l’Université
Cheikh Anta Diop de Dakar Formation juridique.
Non
spécifié
Intègre l’ENA, formation
d’inspecteur des finances
Formation technocratique, base de sa
carrière professionnelle.
2014
Adhésion au PASTEF dès sa
création Début de son engagement politique.
Octobre
2022
Secrétaire général du PASTEF Ascension rapide et rôle clé au sein du
parti.
Avril 2023 Arrestation et incarcération Moment clé de son parcours,
renforçant son statut d’opposant.
Mars 2024 Libération de prison Prélude immédiat à sa victoire
électorale.
Avril 2024 Investiture en tant que Président
du Sénégal
Atteinte du sommet de l’État, le plus
jeune président du pays.
3. L’Élection Présidentielle de 2024 : Un Tournant Démocratique
L’élection présidentielle de 2024 au Sénégal s’est déroulée dans un contexte de fortes tensions
politiques et de rebondissements inattendus. Le pays a été secoué par des manifestations et des
troubles suite à la tentative controversée du président sortant, Macky Sall, de reporter le scrutin
initialement prévu en février.3 Cette décision a provoqué une crise institutionnelle, mais la Cour
constitutionnelle a finalement annulé le report, réaffirmant la solidité des institutions sénégalaises.3
Dans ce climat tendu, Ousmane Sonko, leader populaire de l’opposition, a été déclaré inéligible. C’est
à ce moment que le parti PASTEF, bien que lui-même interdit quelques mois auparavant, a désigné
Bassirou Diomaye Faye comme son candidat de substitution en novembre 2023.3
La candidature de
Faye a été validée, car il n’avait pas été condamné, malgré son incarcération depuis avril 2023 pour
des accusations de « diffusion de fausses nouvelles » et « incitation à l’insurrection ».5
Le dénouement de cette période de forte agitation est survenu avec la libération de Bassirou
Diomaye Faye et d’Ousmane Sonko, seulement dix jours avant l’élection, à la faveur d’une amnistie
présidentielle.3 Cette libération a donné un élan décisif à la campagne de Faye. Malgré une période
de campagne très courte 3
, il a remporté une victoire historique dès le premier tour, obtenant plus de
54% des voix.3 C’est la première fois qu’un candidat de l’opposition réussit un tel exploit depuis
l’indépendance du Sénégal en 1960. La reconnaissance rapide de sa défaite par son principal rival,
Amadou Ba, et les félicitations du président sortant Macky Sall ont souligné la robustesse du
processus démocratique sénégalais.3
Cette élection a représenté bien plus qu’un simple transfert de pouvoir ; elle a été un véritable test de
la résilience démocratique du Sénégal. Les tentatives de report du scrutin et d’exclusion de figures de
l’opposition ont été contrées par une forte mobilisation populaire et l’indépendance du Conseil
constitutionnel.3
La victoire de Faye, en particulier son élection alors qu’il était encore en prison,
symbolise un mandat populaire puissant en faveur d’un « changement systémique » et un rejet clair du
statu quo.12 Ce résultat, dans une région où les coups d’État sont devenus une préoccupation
majeure, renforce l’image du Sénégal comme un modèle démocratique.3
Le taux de participation
élevé 15 confère une légitimité supplémentaire à ce mandat, plaçant une pression considérable sur le
nouveau président pour qu’il tienne ses promesses.
4. Une Vision pour le Sénégal : Les Piliers Politiques Clés
Le programme de Bassirou Diomaye Faye, intitulé « Yoonu Dëgg » (Le Chemin de la Vérité), est articulé
autour de cinq axes majeurs, reflétant une ambition profonde de souveraineté nationale, de justice et
de prospérité pour le Sénégal.16
4.1. Renouveau Institutionnel et Gouvernance
La lutte contre la corruption et la malversation des deniers publics est une promesse centrale du
président Faye, perçue comme un fléau endémique entravant le développement du pays.5 Dès son
entrée en fonction, il a lancé des audits dans des secteurs stratégiques tels que le pétrole, le gaz et les
mines, ainsi que dans les comptes publics des ministères, affirmant sa volonté de transparence.18
En matière de réforme judiciaire, le président s’est engagé à instaurer une justice indépendante et
impartiale, libérée de toute pression politique. Il a déclaré que la justice « ne reçoit plus d’ordre » et a
souligné la nécessité de résorber les retards de traitement des dossiers, en partie dus à un manque
de magistrats.13 Il insiste sur le principe d’égalité devant la loi, affirmant que « la prison ne doit pas
être réservée aux pauvres ».19 Des réformes constitutionnelles sont également envisagées pour
réduire les pouvoirs présidentiels et réintroduire la vice-présidence.5
La modernisation de
l’administration publique est une autre priorité, visant à la réorienter vers la satisfaction des citoyens,
notamment par l’adoption de manuels de procédures et de codes de déontologie.16 Enfin, le dialogue
national sur le système politique, initié par le président, vise à construire un consensus et à assurer le
respect de l’opposition.14
L’accent mis sur la lutte contre la corruption et l’indépendance de la justice 5 marque une volonté
délibérée de rompre avec les pratiques perçues des administrations précédentes. Cette orientation
répond directement aux frustrations populaires et constitue un pilier de sa promesse de
« changement systémique ».13 Cependant, la mise en œuvre de réformes aussi profondes, en
particulier dans le système judiciaire, présente des défis inhérents, tels que le manque de magistrats
19, la résistance politique des intérêts établis, et la nécessité de garantir que les mesures de
responsabilisation ne soient pas perçues comme des « chasses aux sorcières » politiquement
motivées.14 La suspension du prêt du FMI en raison de divergences budgétaires 14 illustre les
implications financières immédiates des problèmes de gouvernance passés et l’urgence de son
programme de transparence.
4.2. Souveraineté Économique et Développement
Un des points les plus audacieux du programme de Faye est son intention de mettre fin à la
circulation du franc CFA pour créer une nouvelle monnaie nationale, affirmant ainsi la « souveraineté
monétaire » du Sénégal.5 Bien que cette mesure soit radicale, la nouvelle équipe semble consciente
des difficultés de mise en œuvre et pourrait privilégier, dans un premier temps, l’intégration d’une
monnaie régionale au sein de la CEDEAO.3
Le président s’est également engagé à renégocier les contrats avec les entreprises étrangères dans
des secteurs clés comme l’énergie (pétrole, gaz), les mines et la pêche, afin d’assurer une répartition
plus équitable des profits et un rôle accru de l’État.
3 Cela inclut un audit du projet de champ gazier
Grand Tortue Ahmeyim (GTA).3
L’objectif est de promouvoir un modèle économique endogène et
d’atteindre la souveraineté alimentaire, réduisant ainsi la dépendance économique du pays.16 Des
mesures concrètes sont prévues pour soutenir les agriculteurs, notamment l’apurement des dettes, la
distribution de semences de qualité et l’augmentation du prix de l’arachide.23 La gestion des finances
publiques est également une priorité, avec un engagement en faveur de la rigueur budgétaire, de la
transparence et de la gestion de la dette. Des plans incluent la centralisation des dettes publiques, la
création d’un compte unique du Trésor et la révision des codes des investissements, des douanes et
des impôts.14 Enfin, le développement des infrastructures économiques, telles que les chemins de fer,
l’électrification (notamment rurale), les services postaux et les télécommunications, est également au
programme.20
Le programme économique de Faye est profondément ancré dans une vision nationaliste de
« souveraineté ».5
Les réformes monétaires et les renégociations de contrats sont ambitieuses et
pourraient potentiellement inquiéter les investisseurs étrangers.3
La suspension du prêt du FMI 14 et
l’héritage d’une dette publique élevée 14 mettent en évidence les contraintes économiques sévères.
Le défi majeur réside dans la mise en œuvre de ces réformes « audacieuses » 14 tout en maintenant la
confiance des investisseurs et en assurant la stabilité économique, d’autant plus que le Sénégal entre
dans l’ère de la production d’hydrocarbures.3
La crise du secteur du BTP, avec des pertes d’emplois
significatives 14, complique davantage le tableau économique, exigeant une intervention
gouvernementale rapide et efficace.17
4.3. Agenda Social
L’allègement du coût de la vie est une priorité majeure pour l’administration Faye, avec des efforts
pour réduire les prix des produits de première nécessité, comme le riz.7
Le chômage des jeunes, qui
atteint 20,3%, est une préoccupation nationale, et le gouvernement prévoit des mesures pour la
formation professionnelle, le soutien à l’entrepreneuriat et la création d’emplois.7
L’accès universel à
l’eau, à l’électricité et aux soins de santé est également un engagement clé.18 Enfin, un programme
national de solidarité et un fonds dédié sont envisagés pour lutter contre la pauvreté, l’exclusion et la
vulnérabilité.20
La campagne de Faye a su capter les profondes frustrations populaires concernant le coût de la vie et
le chômage des jeunes.7
Ses promesses de soulagement immédiat, telles que la réduction du prix du
riz 24, ont suscité de grandes attentes. Cependant, les défis économiques sous-jacents (dette, crise du
BTP 14) rendent difficile une amélioration rapide et généralisée des conditions de vie. L’absence de
progrès tangibles rapides pourrait entraîner une déception publique, érodant potentiellement la forte
confiance dont il bénéficie actuellement.18 Cela crée un équilibre délicat entre la gestion des attentes
et la livraison de résultats concrets.
4.4. Politique Étrangère et Intégration Régionale
En matière de politique étrangère, le Sénégal sous Faye vise à être un « pays ami et un allié sûr et
fiable » pour les partenaires « respectueux », signalant une volonté de rééquilibrer les relations,
notamment avec l’ancienne puissance coloniale, la France, vers une coopération « vertueuse,
respectueuse et mutuellement productive ».3 Une des décisions majeures est le retrait progressif des
bases militaires françaises du Sénégal à partir de 2025, dans le cadre d’une nouvelle doctrine de
coopération en matière de défense et de sécurité.14
Concernant la CEDEAO et les États du Sahel, Faye souhaite maintenir le Mali, le Niger et le Burkina
Faso au sein de la Communauté, tout en reconnaissant l’Alliance des États du Sahel (AES). Il s’est
engagé dans des efforts de médiation, malgré la complexité de la situation.5 Enfin, le président met
l’accent sur le multilatéralisme, prônant l’unité dans la diversité pour le développement durable et la
dignité humaine, et appelant à un rôle renforcé du Conseil de sécurité de l’ONU pour la paix et la
sécurité internationales.37 Il a également appelé à un cessez-le-feu immédiat en Palestine et soutient
une solution à deux États.37
La politique étrangère de Faye marque un virage clair vers une plus grande souveraineté et une
réévaluation des liens historiques, notamment avec la France.3 Cette orientation s’inscrit dans une
tendance plus large en Afrique de l’Ouest, où plusieurs pays affirment leur indépendance vis-à-vis des
anciennes puissances coloniales.34 Sa position sur la CEDEAO et l’AES reflète une approche nuancée
de la sécurité régionale, cherchant à combler les divisions et à maintenir la stabilité tout en
respectant les choix souverains.5 Cet acte de rééquilibrage sera crucial pour la position et l’influence
du Sénégal dans un environnement géopolitique complexe et en constante évolution, nécessitant une
diplomatie astucieuse pour éviter l’isolement tout en poursuivant les intérêts nationaux.
Le tableau suivant présente une synthèse des principales promesses politiques par secteur :
Domaine
Politique Promesse Clé Action / Objectif Spécifique
Gouvernance
Lutte contre la
corruption
Audits dans les secteurs clés (pétrole, gaz,
mines), comptes publics.18
Réforme judiciaire Indépendance de la justice, égalité devant la loi,
résorption des retards.13
Réformes
constitutionnelles
Réduction des pouvoirs présidentiels,
réintroduction de la vice-présidence.5
Modernisation
administrative
Réorientation vers le citoyen, codes de
procédures et de déontologie.16
Dialogue national Concertations inclusives sur le système
politique.14
Économie Souveraineté
monétaire
Création d’une nouvelle monnaie nationale
(remplacement du CFA franc).5
Renégociation des
contrats
Audit et révision des contrats pétroliers,
gaziers, miniers, pêche.3
Modèle économique
endogène
Promotion des entreprises nationales,
souveraineté alimentaire.16
Gestion des finances
publiques
Rigueur budgétaire, transparence,
centralisation des dettes, révision des codes.14
Infrastructures
durables
Développement des chemins de fer,
électrification rurale, télécommunications.20
Social Allègement du coût de
la vie Baisse du prix des produits de base (riz).7
Emploi des jeunes Formation professionnelle, soutien à
l’entrepreneuriat, création d’emplois.7
Accès aux services de
base
Universalisation de l’eau, de l’électricité et des
soins de santé.18
Lutte contre la
pauvreté
Programme national de solidarité, fonds
national de solidarité.20
Politique
Étrangère
Rééquilibrage des
partenariats
Coopération « vertueuse, respectueuse et
mutuellement productive ».3
Retrait des troupes
françaises
Fin des présences militaires étrangères à partir
de 2025.14
CEDEAO et Sahel Maintien du Mali, Niger, Burkina Faso dans la
CEDEAO, médiation.5
Multilatéralisme Renforcement du rôle de l’ONU, soutien à la
solution à deux États pour la Palestine.37
5. Défis et Examen Public
La présidence de Bassirou Diomaye Faye, bien que portée par un élan populaire, est confrontée à des
défis économiques et politiques considérables, ainsi qu’à un examen public constant.
5.1. Obstacles Économiques
Le Sénégal hérite d’une dette publique significative, s’élevant à environ 80% du PIB en 2023 et
atteignant même 105,7% en 2025 selon certains rapports, avec une part substantielle des recettes de
l’État consacrée au service de la dette.14 Un audit a même révélé une « dette cachée » de 7 milliards de
dollars.26
Un programme de prêt de 1,8 milliard de dollars avec le Fonds Monétaire International (FMI),
initialement convenu en juin 2023, est actuellement suspendu en raison de divergences budgétaires
découvertes. Le FMI exige des réformes « audacieuses et crédibles » pour débloquer cette aide.14 Des
négociations sont en cours pour trouver une solution.39
Le secteur du bâtiment et des travaux publics (BTP) traverse une crise majeure, avec une chute
drastique des carnets de commandes et des arriérés de paiement de l’État s’élevant à plus de 300
milliards de francs CFA. Cette situation a entraîné des milliers de pertes d’emplois et une grande
précarité pour les travailleurs du secteur.14 Malgré l’engagement de ne pas augmenter les impôts, le
gouvernement doit trouver des moyens de mobiliser des ressources et de mettre en œuvre une
gestion budgétaire rigoureuse.17
Les défis économiques ne sont pas de simples statistiques ; ils représentent une contrainte majeure
pour les ambitions de réforme de Faye. La dette héritée et la crise du BTP ont un impact direct sur la
vie quotidienne des Sénégalais, se manifestant par le chômage et une activité économique ralentie.18
La position du FMI 14 met en lumière la tension entre le désir de « souveraineté » de Faye et la
nécessité d’un soutien financier international, ce qui force une approche pragmatique de la politique
économique. Le succès de sa présidence dépendra en grande partie de sa capacité à gérer ces réalités
économiques complexes tout en réalisant ses promesses de changement systémique et
d’amélioration des conditions de vie.
5.2. Paysage Politique
Les relations avec l’opposition sont un point d’attention. Bien que le président Faye prône le dialogue
et le respect des droits de l’opposition 14, certaines figures de l’opposition ont critiqué le
gouvernement pour ne pas avoir suffisamment réduit les dépenses de l’État ou pour ce qu’elles
perçoivent comme des « chasses aux sorcières ».14
La dynamique interne au sein du parti au pouvoir est également unique. La relation entre le président
Faye et le Premier ministre Ousmane Sonko, bien que très proche, crée une configuration politique
singulière. Sonko, en tant que leader charismatique, partage l’exercice du pouvoir et influence la
gouvernance, ce qui soulève des questions sur la répartition précise de l’autorité et les tensions
internes potentielles.3
Sonko est perçu par certains comme un « super fort » Premier ministre.14
En ce qui concerne la liberté d’expression, bien que l’administration Faye affirme un nombre
d’arrestations pour « délits d’opinion » inférieur à celui du régime précédent 19, des préoccupations
persistent. La société civile appelle à une réforme urgente des lois relatives à la liberté d’expression et
à la liberté de la presse.14
La cohabitation entre Faye et Sonko, un « duo » 18 où Sonko est considéré comme un Premier ministre
très influent 14, représente un arrangement politique inhabituel. Cette dynamique peut être une
force, en combinant un soutien populaire et une expertise, mais elle peut aussi être une source
potentielle de frictions ou de perception de centralisation du pouvoir.14 L’engagement du
gouvernement en faveur de l’indépendance judiciaire et de la liberté d’expression 19 est observé de
près, car ces questions étaient au cœur des griefs sous le régime précédent. La capacité à maintenir
ces principes tout en poursuivant la reddition des comptes et les réformes sera un test crucial pour la
« nouvelle ère » de gouvernance.7
5.3. Perception Publique et Couverture Médiatique
La population sénégalaise nourrit de grandes attentes quant à l’amélioration de son quotidien,
malgré les contraintes économiques importantes.7 Une certaine impatience se fait sentir pour des
résultats tangibles.30 Le président Faye semble conserver la confiance d’une majorité de la
population, qui reste attentive aux prochaines étapes de son mandat.18 Sa communication directe
avec la presse 17 est perçue comme un signe de transparence et d’ancrage démocratique.
La couverture médiatique internationale dépeint largement son élection comme une réussite
démocratique pour le Sénégal, une « bouffée d’air frais » en Afrique de l’Ouest.6 Cependant, des
interrogations subsistent concernant l’orientation future de sa politique étrangère, notamment ses
relations avec la France, et l’impact de ses réformes économiques sur les investisseurs.3
La forte popularité de Faye et le capital de sympathie international dont il bénéficie 6
lui offrent une
« période de grâce » cruciale. Ce capital politique est essentiel pour mettre en œuvre des réformes
difficiles et naviguer dans un environnement économique complexe. Cependant, cette période est
limitée. Les informations disponibles indiquent qu’après un an, une impatience croissante se
manifeste pour des améliorations concrètes du quotidien.18 Maintenir la confiance du public exigera
des progrès visibles sur les promesses sociales et économiques clés, au-delà de la victoire symbolique
de son élection.
6. Conclusion : La Voie à Suivre pour le Sénégal
La présidence de Bassirou Diomaye Faye est caractérisée par un engagement profond envers une
gouvernance humble et transparente, ainsi qu’une détermination inébranlable à combattre la
corruption et à initier un changement systémique.12 Son leadership est résolument axé sur la
souveraineté nationale et le bien-être du peuple sénégalais.
Son mandat incarne à la fois un immense espoir de renouveau démocratique et la confrontation à
des défis économiques et politiques redoutables. Le Sénégal, sous sa direction, est à la croisée des
chemins, avec un potentiel considérable mais aussi des obstacles significatifs à surmonter. La capacité
du gouvernement à traduire les promesses de « changement systémique » en améliorations tangibles
du quotidien sera déterminante pour maintenir la confiance populaire et la stabilité.
L’avenir du Sénégal sous la direction de Bassirou Diomaye Faye dépendra de sa capacité à naviguer
avec pragmatisme entre les aspirations nationalistes et les réalités économiques internationales, à
maintenir l’équilibre délicat des pouvoirs au sein de son administration, et à consolider les acquis
démocratiques. La résilience de la nation sénégalaise et la nécessité d’une action collective unifiée
seront essentielles pour bâtir le « Sénégal souverain, juste et prospère » auquel il aspire.40