Afrique de l’Ouest : Le nouveau champ de bataille de la « Guerre Froide » entre les puissances mondiales
L’Afrique de l’Ouest est devenue l’épicentre d’une lutte d’influence acharnée entre la France, la Russie, la Chine et les États-Unis, redessinant les cartes politiques, économiques et sécuritaires de la région.
Le Crépuscule de la « Françafrique » : Un Retrait Stratégique
La France, ancienne puissance coloniale et partenaire sécuritaire historique, voit son influence s’éroder à une vitesse fulgurante. Le retrait contraint de ses forces militaires du Mali (2022), du Burkina Faso (2023) et du Niger (2024) a symbolisé la fin de l’opération Barkhane et, pour beaucoup, la fin d’une ère. Ce recul n’est pas seulement militaire, il est aussi politique et symbolique, alimenté par une opinion publique africaine qui associe de plus en plus la présence française à un échec dans la lutte contre le djihadisme et à une ingérence néocoloniale.
La stratégie française, sous l’impulsion d’Emmanuel Macron, évolue vers un partenariat « redéfini » et plus équilibré. Au Sénégal, malgré l’élection d’un président, Bassirou Diomaye Faye, au discours souverainiste, Paris s’efforce de maintenir des liens étroits. Le vocabulaire a changé : on parle de « restructuration » des bases militaires plutôt que de leur fermeture, illustrant une volonté de conserver un ancrage, mais sur des bases plus égalitaires. Cependant, l’influence française est sur la défensive, contrainte de s’adapter plutôt que d’imposer son agenda.
L’Offensive Russe : Le Partenaire Sécuritaire Décomplexé
La Russie s’est engouffrée dans la brèche sécuritaire et politique laissée par la France. Sa stratégie est claire : offrir un partenariat de « survie du régime » aux gouvernements, notamment les juntes militaires, sans conditionnalité démocratique. En se positionnant comme une puissance anti-impérialiste, Moscou réactive d’anciens liens de l’ère soviétique et capitalise sur le ressentiment anti-occidental.
- Au Mali, cette alliance est la plus aboutie. Moscou est devenu le principal partenaire militaire de Bamako, fournissant des équipements (hélicoptères, avions de chasse), des formateurs et le soutien des mercenaires du groupe Africa Corps (anciennement Wagner).
- L’Alliance des États du Sahel (AES), comprenant le Mali, le Burkina Faso et le Niger, est devenue la sphère d’influence privilégiée de la Russie. Récemment, Moscou a signé avec ces trois pays des accords de coopération dans le domaine du nucléaire civil, un mouvement stratégique qui ancre durablement l’influence russe.
Le Léviathan Chinois : La Puissance Économique Silencieuse
La stratégie chinoise est moins bruyante militairement mais tout aussi, sinon plus, structurante. À travers son initiative des « Nouvelles Routes de la Soie », Pékin est devenu le premier partenaire économique et le principal créancier de nombreux pays de la région. Son approche se concentre sur le développement des infrastructures et l’accès aux matières premières, sans ingérence politique affichée.
- En Guinée, l’influence chinoise est écrasante. Le projet de minerai de fer de Simandou, l’un des plus grands gisements inexploités au monde, est largement financé par des consortiums chinois et inclut la construction d’infrastructures colossales.
- Au Sénégal, la Chine finance et construit des projets majeurs, de l’autoroute Ila Touba aux arènes de lutte. Le nouveau gouvernement de Faye, bien que souverainiste, continue de courtiser ces investissements.
La Contre-Stratégie Américaine : Le Pivot vers le « Trade, not Aid »
Les États-Unis, longtemps focalisés sur une approche purement antiterroriste, adaptent leur stratégie face à cette nouvelle concurrence. Conscients de la perte de terrain, ils opèrent un pivot stratégique résumé par le slogan « Trade, not aid » (le commerce, pas l’aide). L’objectif est de construire des partenariats économiques durables avec des pays jugés stables et démocratiques.
Le Sénégal est au cœur de cette nouvelle approche, comme en témoigne la réception du président Faye à Washington en juillet 2025. La coopération sécuritaire via AFRICOM demeure, notamment pour endiguer l’influence russo-chinoise et la menace terroriste émanant du Sahel vers les pays côtiers.