Introduction : L’autoroute Thiès-Touba, plus qu’une simple route
Au cœur du Sénégal, une voie rapide flambant neuve fend le paysage. Reliant Thiès à la ville sainte de Touba, cette autoroute de 113 kilomètres est une prouesse technique, financée et construite par la Chine. Inaugurée en 2018, elle est l’un des fleurons de la coopération sino-sénégalaise, symbolisant la promesse d’une modernisation accélérée de l’Afrique. Mais derrière le béton et l’asphalte, un débat fait rage. S’agit-il d’un véritable levier de développement ou d’un projet surdimensionné, un « éléphant blanc » lourdement endetté ? C’est le dilemme de l’autoroute fantôme de la Chine au Sénégal.
Le terme « fantôme » n’est pas anodin. Il évoque le silence qui entoure les clauses financières, le faible trafic souvent observé et la crainte d’un lourd fardeau pour les générations futures. Cette autoroute est devenue l’emblème des investissements chinois en Afrique, à la fois célébrée pour sa rapidité d’exécution et critiquée pour son opacité. En analysant ce cas d’étude, nous allons démêler le vrai du faux. Quels sont les avantages tangibles de l’autoroute Thiès-Touba pour l’économie locale ? Quels sont les risques financiers réels pour le Sénégal ? Nous explorerons les deux faces de la médaille pour vous permettre de juger si ce projet est un cadeau inestimable ou un fardeau caché.
Sommaire
- L’autoroute fantôme de la Chine au Sénégal : un projet stratégique
- Coûts et financement : le prix de l’autoroute
- Le mythe de l’autoroute fantôme et son vrai trafic
- Les bénéfices réels : développement et désenclavement
- Les coûts cachés et les risques pour le Sénégal
- La main-d’œuvre chinoise et l’impact social
- Comparaison : les autres projets routiers en Afrique
- FAQ : L’autoroute chinoise au Sénégal en questions
- Conclusion : Bilan mitigé pour un projet sous haute surveillance
1. L’autoroute fantôme de la Chine au Sénégal : un projet stratégique
Le projet de l’autoroute Thiès-Touba, d’une valeur de 416 milliards de FCFA (environ 634 millions d’euros), est bien plus qu’une simple route. Il est une pierre angulaire du Plan Sénégal Émergent (PSE), un programme ambitieux du gouvernement visant à transformer le pays en une économie émergente d’ici 2035. L’objectif principal est de relier la capitale, Dakar, au centre du pays et notamment à la ville religieuse et économique de Touba.
La construction a été confiée à la China Road and Bridge Corporation (CRBC), un géant étatique chinois. La vitesse de l’exécution, en seulement 3 ans, est souvent citée comme un avantage du modèle chinois par rapport aux projets occidentaux, souvent ralentis par des études interminables et des processus administratifs complexes. L’autoroute chinoise au Sénégal est ainsi devenue un symbole de l’efficacité et de l’ambition de la coopération sino-sénégalaise, une illustration de la capacité de Pékin à réaliser des projets d’envergure en un temps record.
2. Coûts et financement : le prix de l’autoroute
Le financement de l’autoroute fantôme de la Chine est au cœur de la controverse. Le projet a été en grande partie financé par un prêt de l’Exim Bank of China. Les conditions exactes de ce prêt sont restées confidentielles, un manque de transparence qui alimente les craintes d’un « piège de la dette ». Les critiques s’interrogent sur les taux d’intérêt, les clauses de remboursement et les garanties offertes par l’État sénégalais.
De nombreux experts estiment que le coût du projet est surévalué par rapport aux standards internationaux. Les projets chinois sont souvent construits à un prix plus élevé que ceux financés par les institutions occidentales. Cela s’explique par le fait que les fonds sont souvent liés à l’utilisation de main-d’œuvre et de matériaux chinois, et que les conditions de financement peuvent inclure des coûts non divulgués. C’est l’un des aspects les plus opaques de cette relation, et qui pèse sur la dette du Sénégal.
Attention : Les prêts chinois ne sont pas de l’aide humanitaire
Les prêts chinois sont des prêts commerciaux. Ils ne sont pas destinés à être de l’aide publique au développement. Ils doivent être remboursés, avec des intérêts, et les clauses peuvent être strictes en cas de défaut de paiement. C’est pourquoi la question de la viabilité économique de l’autoroute est si cruciale.
3. Le mythe de l’autoroute fantôme et son vrai trafic
La première critique adressée à l’autoroute Thiès-Touba est son faible trafic, ce qui lui a valu le surnom d’autoroute fantôme. Il est vrai que pour des raisons de coût, de nombreux automobilistes préfèrent encore emprunter l’ancienne route nationale. Le péage, bien que subventionné, reste un obstacle financier pour une grande partie de la population et des transporteurs. De plus, le trafic est très saisonnier, avec des pics lors des grands événements religieux comme le Magal de Touba, mais une utilisation réduite le reste de l’année.
Cependant, le trafic n’est pas inexistant. Les études montrent une augmentation progressive, notamment pour le transport de marchandises et les usagers pressés. L’autoroute permet de réduire le temps de trajet de plusieurs heures, ce qui est un gain de productivité indéniable pour l’économie. Le mythe de l’autoroute « fantôme » est une simplification excessive. Il s’agit plutôt d’un investissement à long terme, dont la pleine rentabilité n’est pas encore atteinte. Pour un projet d’une telle envergure, le trafic est un indicateur, mais il ne résume pas la totalité des bénéfices.
4. Les bénéfices réels : développement et désenclavement
Au-delà des critiques, l’autoroute chinoise au Sénégal a des avantages concrets. Le principal est le désenclavement des régions intérieures. En connectant les villes de Thiès, Touba et d’autres localités, elle facilite les échanges commerciaux et l’accès aux marchés. Pour l’économie locale, cela signifie une meilleure circulation des biens et des services, et potentiellement une stimulation de l’activité économique le long du corridor. C’est une infrastructure essentielle pour soutenir le développement des zones rurales.
Le projet a également permis la création d’emplois pendant la phase de construction, même si une grande partie des postes à haute qualification ont été occupés par des travailleurs chinois. Sur le long terme, elle améliore la sécurité routière en réduisant les accidents par rapport à l’ancienne route. La réduction du temps de trajet a un impact positif sur la logistique des entreprises et sur la vie quotidienne des habitants. C’est un élément clé pour l’émergence du Sénégal.
5. Les coûts cachés et les risques pour le Sénégal
C’est ici que l’idée de « cadeau empoisonné » prend tout son sens. Le risque le plus évident est le fardeau de la dette. Le Sénégal devra rembourser les centaines de millions d’euros empruntés, avec des intérêts. Si les revenus du péage ne suffisent pas à couvrir les paiements, l’État sénégalais devra utiliser son budget national pour combler le déficit, ce qui pourrait freiner d’autres investissements sociaux (santé, éducation).
Un autre coût caché est le manque de transfert de compétences. Les projets chinois ont la réputation d’être autarciques, avec des équipes complètes venues de Chine. Cela limite l’apprentissage des techniques pour les ingénieurs et travailleurs sénégalais. En outre, la qualité de certaines infrastructures chinoises a été remise en question. Bien que l’autoroute Thiès-Touba soit globalement de bonne facture, la question de la durabilité et de la maintenance à long terme reste ouverte.
6. La main-d’œuvre chinoise et l’impact social
La présence de travailleurs chinois sur les chantiers a soulevé de vives questions. D’un côté, il y a la promesse de l’emploi local. De l’autre, des observateurs ont signalé que la majorité des postes qualifiés sont occupés par des Chinois. Les emplois créés pour les Sénégalais sont souvent des postes manuels, moins bien rémunérés, ce qui limite les bénéfices sociaux à long terme. Cette situation crée une tension sociale et un sentiment de frustration dans certaines communautés locales.
De plus, l’influence chinoise au Sénégal ne se limite pas à la construction. On observe une augmentation du nombre de commerces tenus par des Chinois, proposant des produits à bas prix. Si cela peut être bénéfique pour le consommateur, cela crée une concurrence féroce pour les petits commerçants locaux qui ont du mal à survivre. Cet impact sur le tissu social et économique est une réalité dont il faut tenir compte dans l’équation globale.
7. Comparaison : les autres projets routiers en Afrique
Pour mieux comprendre la situation de l’autoroute Thiès-Touba, il est utile de la comparer à d’autres projets routiers sur le continent. En Éthiopie, en Ouganda ou au Kenya, la Chine a également construit des infrastructures d’envergure. Dans certains cas, comme au Kenya, les projets ont été de véritables « pièges de la dette », obligeant le pays à des concessions financières pour éviter le défaut. Dans d’autres, ils ont réellement contribué au développement. La performance de ces projets dépend en grande partie de la capacité des gouvernements africains à négocier des conditions justes, à évaluer les risques et à s’assurer que les projets sont économiquement viables.
Tableau comparatif : Autoroutes financées par la Chine en Afrique
Pays | Projet | État | Viabilité perçue |
---|---|---|---|
Sénégal | Autoroute Thiès-Touba | Opérationnel | Débat ouvert, bénéfices à long terme |
Ouganda | Autoroute Entebbe-Kampala | Opérationnel | Forte dette, menaces sur la souveraineté |
Kenya | SGR (chemin de fer) | Opérationnel | Très forte dette, peu de rentabilité |
8. FAQ : L’autoroute chinoise au Sénégal en questions
Q1 : Qu’est-ce que l’autoroute fantôme de la Chine ?
R : C’est le surnom donné à l’autoroute Thiès-Touba au Sénégal, construite par une entreprise chinoise. Le terme est utilisé pour souligner son faible trafic et le poids de la dette associée, qui ne semble pas proportionnel à son utilisation.
Q2 : Qui a financé l’autoroute Thiès-Touba ?
R : Le projet a été financé par un prêt de l’Exim Bank of China, une banque d’État chinoise, pour un montant d’environ 416 milliards de FCFA. Le Sénégal est responsable du remboursement de ce prêt.
Q3 : Pourquoi les usagers ne l’utilisent-ils pas plus souvent ?
R : Le coût du péage est l’un des principaux facteurs. De nombreux usagers et transporteurs préfèrent l’ancienne route, qui est gratuite, malgré un temps de trajet plus long et un risque d’accident plus élevé.
Q4 : L’autoroute est-elle un « éléphant blanc » ?
R : Un « éléphant blanc » est un projet coûteux et inutile. L’autoroute n’est pas totalement inutile, car elle réduit le temps de trajet et a un rôle stratégique dans le développement du pays. Cependant, sa rentabilité économique immédiate est remise en question.
Q5 : Quel est l’impact sur la dette du Sénégal ?
R : Le prêt de 416 milliards de FCFA s’ajoute à la dette extérieure du Sénégal. Si les revenus du péage ne suffisent pas à couvrir les remboursements, l’État devra utiliser les deniers publics pour le service de la dette, ce qui pourrait impacter d’autres secteurs.
Q6 : Y a-t-il eu des emplois créés pour les Sénégalais ?
R : Oui, des emplois ont été créés, mais principalement dans les postes manuels. Les postes à haute qualification (ingénieurs, chefs de projet) ont été en grande partie occupés par des travailleurs chinois.
Q7 : L’autoroute fait-elle partie de l’initiative « la Ceinture et la Route » ?
R : Oui, le Sénégal est le premier pays d’Afrique de l’Ouest à avoir signé un accord d’adhésion à la « Belt and Road Initiative » (BRI) en 2018. Ce projet en est un symbole.
Q8 : Le contrat de construction est-il transparent ?
R : Non, les termes financiers du contrat entre le Sénégal et la Chine sont restés confidentiels. C’est ce manque de transparence qui alimente les critiques et les inquiétudes quant au « piège de la dette ».
Q9 : Quelles sont les alternatives au modèle chinois ?
R : Le Sénégal pourrait se tourner vers des prêts multilatéraux (Banque Mondiale, BAD) ou des partenariats public-privé avec des entreprises occidentales. Ces options peuvent être plus transparentes mais aussi plus longues et plus complexes à mettre en œuvre.
Q10 : L’autoroute est-elle une bonne chose pour le Sénégal ?
R : C’est une question complexe. L’autoroute est une infrastructure de qualité qui a un rôle stratégique. Cependant, son coût élevé et les risques de la dette pèsent sur ses bénéfices. Le jugement final dépendra de l’équilibre entre ces deux facteurs sur le long terme.
9. Conclusion : Bilan mitigé pour un projet sous haute surveillance
L’autoroute fantôme de la Chine au Sénégal est un cas d’étude parfait pour illustrer la complexité des relations sino-africaines. Elle incarne la promesse de la Chine de moderniser l’Afrique par les infrastructures, rapidement et efficacement. Elle est un atout pour le développement du pays, en connectant des villes et en réduisant le temps de trajet. Mais elle est aussi l’emblème des inquiétudes. Son coût élevé, la confidentialité des contrats, le risque de la dette et les retombées sociales mitigées en font un projet à double tranchant.
Pour le Sénégal, le défi est de tirer parti de cette infrastructure tout en gérant son passif financier. Le pays a besoin de développer ses réseaux routiers, mais doit le faire de manière viable et souveraine. L’histoire de cette autoroute chinoise au Sénégal nous rappelle que tout partenariat a un prix. Pour éviter que le cadeau ne se transforme en fardeau, les gouvernements africains doivent faire preuve de vigilance et s’assurer que les projets sont véritablement dans l’intérêt de leurs populations.
Votre avis compte ! Partagez vos pensées sur ce projet et son impact sur le Sénégal dans les commentaires ci-dessous.